Retour sur le stage de Xavier Géraud : étude du kata Meikyo
Ce stage fut l’occasion de découvrir et d’apprendre aux travers de l’enseignement de Xavier Géraud, Meikyo, kata de niveau 5ème dan, rendu accessible grâce au savoir-faire et à l’approche toujours très pédagogique de Xavier. Rarement exécuté, certainement en raison de ses mouvements relativement simples, que l’on peut retrouver dans les premiers kata « heian », ce kata de fondateur inconnu, d’abord pratiqué par le style Tomari-te, n’en demeure pas moins un kata remarquable par la diversité de ses positions et ses ruptures rythmiques. Il comporte un saut particulier (toki empi jodan) que l’on peut rapprocher du saut visible dans le kata Empi et compte 33 mouvements… Il se démarque enfin par sa forte dimension philosophique.
Pour un apprentissage complet du kata, Xavier Géraud a choisi d’aborder avec nous les deux aspects qui fondent ce kata, en premier lieu, la forme avec l’approche de la technique, en le décomposant en trois grandes séquences. Une fois le kata mémorisé et les mouvements convenablement exécutés, il était pour lui essentiel dans un second temps, d’aborder avec nous un versant spirituel, à travers une symbolique spéculaire.
Historiquement, ce kata serait la version japonaise d’un kata plus ancien nommé Rohai, ce qui pourrait expliquer la similitude de leurs mouvements d’ouverture. Les écoles Shito-Ryu et Wado-Ryu, ayant conservé l’ancienne forme, très différente du style Shotokan, c’est Funakoshi qui lui donna l’appellation Meikyo, qui signifie « polir le miroir ». Pour autant, il n’y a que dans le style Shotokan, que le mouvement d’ouverture, exécuté lentement, rappelle le début de la forme ancestrale. Le Shotokan incorpore également des défenses contre un bâton qui n’existent pas dans l’ancien Rohai.
Comme la surface polie d’un miroir reflète tout ce qui est devant lui, et comme une vallée calme transmet les sons les plus faibles, ainsi l’étudiant en karaté doit vider son esprit de l’égoïsme et de la méchanceté, dans un effort pour réagir d’une manière appropriée à tout ce qui peut se présenter à lui.
Gichin Funakoshi
Cette allusion au miroir dans sa nouvelle nomination, n’est pas un hasard, puisque nous la retrouvons, à la fois sur le plan technique, dans les deux premières phases du kata qui se répètent quasi à l’identique. Mais aussi au niveau symbolique, avec un mouvement d’ouverture original, où montent les mains ouvertes et jointes niveau jodan, devant le visage, avant de les écarter (shuto kaki wake chudan). Cette gestuelle emblématique, fait peut-être allusion à Amaterasu o mi kami, déesse du soleil, souvent représentée par un miroir métaillique. Brillante divinité, qui s’était enfermée dans une caverne suite à une énième offense de son frère, et qui finit par en sortir, curieuse de découvrir le visage de sa soi-disant remplaçante. Mais il ne s’agissait en définitive que d’elle-même, dont l’image se reflétait dans un miroir accroché à un arbre. Stratagème imaginé par les dieux, afin de la faire sortir de son abri, pour repousser l’obscurité et mettre fin au chaos, qu’elle avait engendré par son retranchement.
Le fait de devoir nettoyer un miroir, n’est pas sans rappeler aussi le « mizu no kokoro » ou « l’esprit de l’eau ». En référence à l’état d’esprit aussi calme que la surface d’un lac, capable de tout refléter simultanément.
Mais comme le précise Xavier Géraud, le kata est avant tout un moyen d’accéder à une connaissance de soi (mains levées devant soi comme pour se regarder dans un miroir), étape essentielle afin d’accéder à une maîtrise de soi, avant de s’ouvrir aux autres (écartement des mains). Le miroir se changeant ainsi en fenêtre ouverte sur les autres et sur le monde. C’est aussi la démarche de l’enseignant devant acquérir un certain niveau de maîtrise du karaté avant de délivrer ses connaissances à ses élèves.
Avec le kata Meikyo, nous voyons à quel point le physique et le spirituel sont étroitement liés. En effet, le miroir à un sens précis dans les arts martiaux nippons : obtenir par l’exercice corporel, un mental aussi lisse et clair que la surface d’un miroir.
Enfin, nous pouvons constater que chercher à réduire ce kata à une gestuelle de combat, ferait passer le pratiquant à côté de sa signification profonde rattachée à un contexte culturel ancien et faire preuve d’une méconnaissance des racines historico-philosophico religieuses de l’Extrême-Orient.
Encore un grand merci à Xavier Géraud pour sa venue et ses enseignements riches et précieux.
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